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Les Apaches profanent la Vierge 

  • assosaintalouarn
  • 1 août
  • 3 min de lecture

En mai 2024, j’ai posté quatre articles alors que ce nouveau blog avait fort peu d’abonnés. Rares sont ceux qui les ont vus.

Cet été, je reprends ces sujets en les traitant d’une nouvelle façon. Voici le deuxième d’entre eux. 


Le samedi 9 mai 1903, sur la place du marché aux bestiaux, il n’est question que de ce qui s’est passé dans la nuit du 4 au 5, rue Keréon à Quimper. Les transactions terminées, nombreux sont les paysans qui descendent la rue du Pichéry pour aller voir la façade du magasin de nouveautés tenue par la famille Caveng, au 57 de la rue. Et là, oh scandale ! oh abomination ! La statue en bois de la Vierge et de l’enfant Jésus n’est plus dans sa niche. Depuis une centaine d’années, on l’ornait de fleurs et de verdure le jour de la Fête-Dieu.


Jean Caveng, commerçant et peintre renommé, a immortalisé la façade du magasin tenu auparavant par ses parents.
Jean Caveng, commerçant et peintre renommé, a immortalisé la façade du magasin tenu auparavant par ses parents.

Source : Groupe Facebook : rétrospective des œuvres de Jean Caveng


Devant le magasin et dans les débits de boisson des rues voisines, les commentaires vont bon train. Les mieux informés racontent que ceux que l’on surnomme les Apaches[1], après avoir arraché la statue de son socle, l’ont brisée en plusieurs morceaux. Un bras de la mère de Jésus a été retrouvé devant la porte de monsieur de Servigny, avocat et conseiller général d’opposition. On a même tenté de défoncer la porte de cet ardent défenseur des cléricaux.


Entre 3 heures 30 et 4 heures du matin, des habitants de la rue Saint-Mathieu ont été réveillés par un vacarme épouvantable. Les plus courageux ont vu un groupe de quatre jeunes gens poussant des cris et hurlant Hou, hou, à bas la calotte. Ces anticléricaux venaient sans doute d’un bal qui se tenait cette nuit-là dans le quartier de Bourg les Bourgs. Un sergent de ville les a calmés, mais le mal était fait.


Rares sont les Quimpérois qui tentent d’excuser ces actes, inexcusables pour la majorité des paysans présents ce samedi.  Les oreilles d’Adolphe Porquier, maire républicain de la ville, doivent siffler, car les attaques contre lui et le gouvernement fusent. Que font donc ces francs-maçons pour défendre les droits de tous les citoyens ? Il est sans doute plus facile de laïciser les écoles communales après avoir chassé sans ménagement les braves religieuses qui les géraient avec dévouement.


Magasin Caveng, 57 rue Keréon. Au 1er étage à droite : la statue de la Vierge et de l'enfant Jésus.
Magasin Caveng, 57 rue Keréon. Au 1er étage à droite : la statue de la Vierge et de l'enfant Jésus.

A la porte : Thomas Caveng et son fils Ernest, père de Jean (Collection Caveng)


Pendant ce temps, les Apaches quimpérois ne sont pas recherchés par le commissaire Terrene qui pourtant les connaît bien. Le pouvoir se sert même de ces tristes sires pour ses manifestations anticléricales et il n’est pas rare de les voir faire la claque lors des parlottes électorales.


Un habitant d’Ergué-Gabéric, commune voisine de Quimper, raconte que ce sont sûrement les mêmes écervelés qui, le jeudi saint, ont assailli à coups de pierres les paisibles pèlerins qui revenaient de la chapelle de Notre-Dame-de-Kerdévot.


"Le Finistère", journal républicain, ne consacre pas une ligne à cet exploit, mais "L’Action libérale de Quimper" et "Le Courrier du Finistère", journaux hostiles à la politique anticléricale conduite par le petit père Combes, apportent des précisions quelques jours plus tard. Un pêcheur a retrouvé sur la rive gauche de l’Odet, près du château de Lanniron, la statue mutilée. Il lui manque la tête de la Vierge et le corps de l’enfant Jésus.


Le maire serait décidé à remplacer la sculpture aux frais de la ville. C’est la moindre des choses. Mais, ajoute un clérical, il faut aussi punir les Apaches pour leurs méfaits.


Un plaisantin ajoute : il faut leur voler dans les plumes…  


[1] Apache : nom donné aux malfaiteurs, assassins, voleurs, à tous les individus peu recommandables..


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5 Comments


suzi_one
Aug 09

Merci Pierrick de partager toutes ces anecdotes aussi intéressantes les unes que les autres. Excellent week-end à vous deux. Kenavo.

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nogrel.charlie
Aug 08

Excellent choix d'illustrations (en plus de la qualitédu récit...biensûr) ! On a l'impression d'être au cœur de l'événement ...

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Gérard PESNEAU
Gérard PESNEAU
Aug 03

Les histoires que vous nous proposez sont toujours aussi intéressantes en raison de l'intérêt sociologique, voire même historique, qu'elles présentent.

Avec une qualité d'écriture avérée, elles témoignent, souvent avec humour, de la vie d'une région dont sont originaires nos ancêtres respectifs.

Merci pour ces contributions qui nous font mieux comprendre leur vie.

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Jean-marie Misslen
Jean-marie Misslen
Aug 01

Etre anticlérical est une chose, détruire des objets de culte est juste de la bêtise. Ces "apaches" n'avaient rien de républicains sincères. L'article 18 de la Déclaration des Droits de l'Homme stipule; "Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion (...)". Il faut dire qu'en 1903 les oppositions entre républicains laïcs et cléricaux conservateurs étaient à leur comble. Les livres de Pierrick Chuto grouillent d'anecdotes savoureuses à ce sujet.

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Jean-Christophe Guéguen
Jean-Christophe Guéguen
Aug 01

La bêtise est largement partagée. On aurait pu penser que ces actes étaient d'un autre temps. L'actualité est souvent bien triste.

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