Henri G...
- assosaintalouarn
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En novembre 1857, un enfant de sexe féminin, de père et mère inconnus, est exposé au tour de l’hospice de Quimper. En juin 1889, un autre enfant de sexe masculin, de père et mère connus, âgé de deux ans et demi, est remis au même hospice. Quel lien y a-t-il entre ces deux abandons à près de 32 ans d’intervalle ?
L’histoire vraie qui suit n’a rien d’un conte de fées.
Le 20 mars 1861, le préfet Richard publie un arrêté qui, à compter du 1er mai, remplace le tour [1] de l’hospice de Quimper par un bureau d’admission. Malgré l’opposition du Conseil général qui craint que cette mesure lourde de conséquences n’entraîne un accroissement des infanticides, le représentant de l’État juge que la situation est devenue intenable.
En 1860, cent dix enfants de père et mère inconnus ont été exposés (déposés) dans le tour de l’hospice civil situé sur une hauteur de la ville de Quimper, appelée Creac’h-Euzen. L’entretien de tous ces enfants obère les finances publiques et de nombreuses villes ont déjà fermé leur tour [2].
À Quimper, l’hospice civil croule sous les dettes. À compter du 1er mai, l’anonymat est désormais interdit et la mère, qui souhaite abandonner son enfant, doit expliquer les raisons de son geste.
En 1889, l’admission à l’hospice est devenue une exception, le secours accordé aux femmes qui gardent leur enfant étant devenu la règle. Et pourtant, cette année-là, des enfants sont encore abandonnés dans les rues de Quimper ou d’ailleurs.
L’histoire qui suit en est la preuve :
François Gilier, contremaître de l’usine à gaz, est de service dans la nuit du 25 au 26 mai 1889. Il doit s’assurer du bon fonctionnement des becs d’éclairage . Il est un peu plus de deux heures et demie, lorsque, rue du Chapeau Rouge, à deux pas de l’école communale, Gilier est intrigué par le manège d’un homme qui s’approche avec un paquet encombrant qu’il pose précipitamment sur le trottoir avant de s’en aller.

Le contremaître et son second accourent et découvrent, recroquevillé dans un panier à poissons, un garçonnet d’environ deux ans qui, entre deux sanglots, ânonne quelques mots en breton. Gilier tente en vain d’extraire du panier le gamin qui, n’ayant aucune force dans les jambes, retombe lourdement. Les sabots qu’il a aux pieds sont aussi beaucoup trop petits pour lui.
L’homme apporte le précieux colis à son épouse qui constate l’état de grande saleté de l’enfant. La paille sur laquelle il est couché est souillée et, malgré les deux gâteaux qui se trouvent dans le panier, le petit, affamé, dévore la bouillie préparée par madame Gilier. Un billet attaché à sa chemise porte l’indication : Henri= G Batisé 2 Ans.

Billet trouvé sur l’enfant
À l’hospice, le médecin examine le petit Henri avant l’arrivée du commissaire de police. En breton, l’enfant raconte qu’il couche habituellement dans ce panier et que sa mère le battait souvent. Comme sa mise paraît indiquer qu’il vient de Douarnenez ou des environs, les recherches s’orientent vers ce secteur.
L’affaire commence à prendre corps, lorsque le maréchal des logis Hamayon, gendarme à cheval à la résidence de Pont-Croix, apprend qu’un enfant, dont la mère est morte il y a peu, a disparu de la commune de Meilars. En effet, Anne-Marie Pavec, domestique à Meilars, est décédée le 25 mars 1889. Née de père et mère inconnus, elle a été exposée le 29 novembre 1857 au tour de l’hospice de Quimper où il lui a été attribué le patronyme de Paver [5].
Mariée à Guillaume Gloaguen, elle vivait séparée de cet homme, domestique à Cléden-Cap-Sizun, peu recommandable sous tous les rapports et qui passe pour être un peu toqué.
L’homme ne s’est jamais occupé de ce fils que la mère élève tant bien que mal avec le secours des voisins. À la mort d’Anne-Marie, Gloaguen laisse l’enfant à la charge des époux Ollier, cultivateurs à Kerhoanton en Meilars. Comme il refuse de reprendre l’enfant au bout d’un mois et qu’il ne paie pas de pension aux époux Ollier, ceux-ci conduisent le petit garçon chez son oncle Daniel Gloaguen, charron au hameau de Keridreuff en Plouhinec.
Veuf depuis peu, l’homme ne sait que faire de ce fardeau et il le confie à Jean-Guillaume Brénéol, parent éloigné qui habite au village de Kéréval en Plouhinec. Daniel Gloaguen a fait une demande d’admission à l’hospice, mais comme la réponse se fait attendre, il décide d’abandonner l’enfant dans une rue de Quimper. Pour la somme de dix francs, payable quand il aura fait la besogne, le chiffonnier Marc-Dominique Guyader accepte la sinistre mission après avoir obtenu deux francs supplémentaires pour le déplacement.
Le lundi 25 mai, il quitte Plouhinec vers onze heures du soir après que Gloaguen lui a recommandé de déposer le garçonnet sur un trottoir afin qu’il ne lui soit fait aucun mal.
Arrivé vers deux heures et demie du matin à Quimper, Guyader laisse son char à bancs route de Douarnenez, dépose le panier et l’enfant dans la première rue venue. Puis, il va voir si son cheval est toujours bien attaché, revient sur le lieu de son forfait et s’embusque près de la maison David, rue du Chapeau-Rouge, d’où il surveille le panier jusqu’à ce que deux individus s’en approchent.
La police n’a aucun mal à faire avouer les deux coupables. Le père de l’enfant n’est pas inquiété, n'ayant pris aucune part dans l’abandon. Le 13 juin 1889, pour avoir exposé et délaissé un enfant au-dessous de l’âge de sept ans accomplis, les sieurs Gloaguen et Guyader, cupides et à peu près illettrés, sont condamnés à trois mois de prison, et le premier écope en plus de deux cents francs d’amende.
Henri Gloaguen, deux ans et demi, enfant assisté, après avoir été enregistré sous le patronyme d’Henri Philippe, va suivre le même parcours que sa mère, enfant trouvée, exposée à l’hospice trente-deux ans plus tôt. Les appellations changent, mais le mal est bien loin d’être éradiqué.
Pour ceux d'entre vous qui habitent la région, deux occasions de NOUS rencontrer ce week-end
SAMEDI 22 novembre à 16 Heures, je donnerai une conférence à SAINT YVI, maison des associations

DIMANCHE 23 de 10 H à 18 H, je serai au salon du livre à PLUGUFFAN, salle Salvator Allende.









Encore un récit intéressant. Je me permets de vous conseiller le livre de Pierrick à savoir : Les exposés de Creac'h-Euzen- Les enfants trouvés de l'hospice de Quimper au 19ème siècle. Ce livre m'a permis de trouver "l'origine de mon arrière-grand-mère paternelle".
L'histoire se répète ; ce type de situation fut hélas assez fréquent et l'est encore, la misère naissant de la misère. De nos jours, et à condition d'en avoir la volonté politique et les moyens, on peut développer des mesures de prévention. Cela coûte au final moins cher que d'intervenir plus tard, voire trop tard.