Cachez ces cuisses que ...
- assosaintalouarn
- 18 juil.
- 3 min de lecture
En mai 2024, j’ai posté quatre articles alors que ce nouveau blog avait fort peu d’abonnés. Rares sont ceux qui les ont vus.
Cet été, je vais reprendre ces sujets en les traitant d’une nouvelle façon. Voici le premier d’entre eux.
Ce dimanche 20 décembre 1931, l’abbé Jules Bossennec se hâte en direction de l’église de Saint-Servais. Mais pourquoi cet air renfrogné, monsieur le recteur ? Le café servi au presbytère par votre sœur Jeanne était-il si mauvais ? En avez-vous assez de veiller depuis dix-sept ans sur les six cent soixante-dix-neuf âmes de cette petite paroisse du nord du Finistère ? Même si elle a besoin de quelques travaux, votre église peut se targuer de posséder l’un des plus beaux clochers du Pays léonard. Et Saint-Servais est connu pour avoir vu naître en 1824 Yan’ Dargent, le célèbre peintre breton.

Monsieur le recteur n'est vraiment pas content
Entrant en trombe dans la sacristie, l’abbé ne regarde même pas les deux jeunes enfants de cœur qui l’attendent. Il est bien loin le temps où ses camarades du petit séminaire de Pont-Croix disaient de lui qu’il était toujours de joyeuse humeur.
Après une première partie de messe menée si vite que les vieilles bigotes du premier rang en perdent leur latin, monsieur le recteur monte en chaire. Comme chaque dimanche, il tonne, il éructe contre les malheureux pécheurs qui préfèrent aller au bistrot plutôt que d’entendre la parole de Dieu. Ils s’en repentiront en Enfer.
Il est vrai que les hommes sont de moins en moins nombreux à l’office. Les plus âgés viennent par habitude et même les Filles de Marie commencent à trouver que le vieux prêtre exagère.
De retour au presbytère, Jules Bossennec s’enferme dans sa chambre et, pour la centième fois au moins, il relit le questionnaire adressé par Monseigneur aux trois cents curés et recteurs du diocèse de Quimper et de Léon. Conscient du danger, Mgr Duparc mène depuis de nombreuses années une véritable croisade contre la danse et ses plaisirs. Afin de prendre les mesures radicales qui s’imposent envers les danseurs, les tenanciers et les musiciens, il souhaite connaître le nombre de salles de bal dans chaque paroisse, les faits et gestes des danseurs avant, pendant et après, ainsi que l’attitude des autorités religieuses et civiles.
Le recteur de Saint-Servais partage l’opinion de Sa Grandeur. Les dancings sont de véritables écoles de corruption où jeunes gens et jeunes filles courent les plus grands dangers pour leur corps et leur âme. Jules Bossennec ne fréquente évidemment pas ces lieux de débauche, mais il lui a été rapporté que les jeunes dansent kof ha kof (ventre à ventre) pendant des heures. Un de ses collègues a même répondu à l’évêque que le lundi matin, on trouve des culottes de filles dans les champs, les bois, les ruisseaux. Mon Dieu !
Pour lui plaire, notre recteur aimerait aussi répondre aux seize questions posées par l’évêque, mais Saint-Servais ne possède pas le moindre dancing et c’est cela qui provoque sa colère depuis qu’il a reçu le questionnaire. Il va devoir retourner une feuille blanche. À moins que … Soudain, il lui vient une idée.
Au lieu d’assister aux vêpres dominicales ou de fréquenter malgré les mises en garde les salles de bal, certaines jeunes filles vont encourager les footballeurs de l’équipe locale. Sage occupation, penserez-vous ! Que nenni, rétorque l’abbé. Les jeunes joueurs portent des culottes trop courtes qui laissent voir leurs cuisses, et cela devant un parterre composé en grande partie par la gent féminine. Quel spectacle ! Mais où s’arrêtera l’indécence ?

Illustration du livre "L'évêque et les danses kof ha kof" .
Aquarelle de Jean-Marie Misslen
Comme il doit faire respecter la décence la plus élémentaire, le recteur lance l’interdit sur la société locale de football et retrouve le sourire.
Désireux de continuer à pratiquer leur sport et de calmer l’abbé Bossennec, les joueurs décident de porter des pantalons et même d’exclure du stade femmes et jeunes filles.
Malgré cette bonne volonté, le recteur qui, semble-t-il, n’aime ni la danse, ni le football, invective du haut de la chaire les footballeurs, les traitant de pourritures et leur promettant de les enterrer comme des chiens s’ils étaient victimes d’un accident mortel.
On ignore si Mgr Duparc a félicité son brave soldat pour cette action d’éclat.
Lorsque, en 1934, complétement épuisé, l’abbé Bossennec quitte Saint-Servais pour aller mourir à Ploaré, "La Semaine religieuse" écrit qu’il a été soucieux de maintenir dans sa paroisse la foi et les habitudes chrétiennes. Chacun jugera !
Jean-Marie Misslen qui illustre ce livre avec 26 aquarelles magnifiques
expose ses œuvres à la galerie ELDER,
12, rue des boucheries à Quimper









Nous avons bien rit !
Merci
Merci Pierrick pour ce petit rappel d'une époque où les religieux étaient très regardants sur les mœurs de leurs ouailles, jusqu'à l'excès qui confinait un tantinet au ridicule.
Quel monde! On se croirait au sein (!!!) d'une secte comme il en existe de plus en plus; pas trop chez nous pour le moment...
Un précurseur de l'égalité de traitement entre Hommes et Femmes, en quelque sorte, ce brave abbé Jules Bossennec...😄
Bonjour Grand homme,
N'a t on pas jadis entendu déclamer: couvrez donc ce sein( a moins que ce soit ce saint) que je ne saurai voir .
Quelques siècles plutard ces dames se sont évertuées à montrer leur(plus ou moins opulente) poitrine sur les plages, et maintenant elles sont devenues footballeuses, regrettons juste qu'à la fin des matchs à l'instard des hommes elles n'échangent pas encore leur maillot! Les tartuffes de l'époque tout en s'offusquant d'ujn tel spectacle, ne s'en "rinceraient pas moins l'oeil"!