La semaine dernière, dans l'article sur la cloche de Plogastel-Saint-Germain, je concluais en écrivant que Jean Jolivet, maire républicain, avait démissionné en 1889. Depuis, j'ai retrouvé sa lettre de démission. Par la suite, il est redevenu adjoint, puis maire en 1904. Déjà âgé, il a refusé le poste en 1908.
Nuit du 9 au 10 janvier 1938.
Aux abords de la place Mesgloaguen, la pluie tombe dru, le tonnerre gronde et il n’y a pas un chat dehors. Un humain, non plus d’ailleurs, car qui oserait s’aventurer la nuit dans ce quartier de Quimper, situé près du vieux champ de foire, et surplombant la rue Brizeux ?
De nombreux éclairs illuminent partiellement des hauts murs. Sont-ce les anciennes fortifications de Quimper ? Non, c’est là que se trouve la sinistre maison d’arrêt où des condamnés exécutent de courtes peines ou attendent leur départ pour une autre prison plus sécurisée.
Derrière les barreaux de la prison de Mesgloaguen, Giovanni Pinotti a des idées noires.
Photo Le Douget. "Crime et justice en Bretagne". Annick Le Douget (Coop Breizh)
Depuis près de six mois, quatre Italiens y sont enfermés. Condamnés à cinq années de réclusion par la cour d’assises du Finistère et à vingt ans d’interdiction de séjour, ils attendent après le rejet de leur pourvoi en cassation leur prochain départ pour la maison d’arrêt de Caen. Quand ? diront certains lecteurs. Je les arrête de suite, car nous ne sommes pas dans un sketch de Raymond Devos, mais en présence de sinistres individus qui n’ont qu’une obsession : s’évader pour reprendre leurs coupables activités. On peut les comprendre, car les conditions de vie dans cette prison, jadis hôpital général Saint-Antoine, sont plus que mauvaises.
Dans leurs sombres cellules, ils ressassent leur arrestation après le cambriolage avorté de l’épicerie Cornic à Lambezellec. Ceux de Scaër et de Quimper s’étaient déroulés sans anicroche et ils se voyaient déjà partager un joli magot.
Marcelo Landi, plombier, et Enrico Zani, commerçant, logés dans le même cachot, ne sont pas au courant des projets de ceux d’à côté, Gaetano Préda, mécanicien, et Giovanni Pinotti, marchand ambulant. Ces célibataires sont des ingrats qui, loin de remercier la France de son hospitalité, trouvent que la soupe n’est pas à leur goût. En bons Italiens, ils veulent du vin, de l’amour et du pain, blanc de préférence. Alors, ils décident de se faire la belle.
À l’aide d’un fil de fer enduit d’étoupe pour ne pas faire de bruit, ils parviennent à ouvrir trois portes, puis à monter sur le toit de la prison. Deux draps de lit vont faire office de corde. Il semble que celle-ci ne convienne pas, car, au risque de se rompre les os, Pinotti se lance dans le vide. Sa chute de huit mètres est amortie par les arbrisseaux qui poussent place Mesgloaguen. Et il s’enfuit en boitant légèrement. Comme aurait dit ma chère grand-mère : il n’y a de la veine que pour la canaille.
Son compatriote Préda, pourtant le chef de la bande, est moins téméraire et il n’ose faire le grand saut. Mieux ! Il appelle à l’aide ! Deux gardiens enfin réveillés l’aident à descendre à l’aide d’une corde. Les braves gens !
Un des bâtiments de la prison de Mesgloaguen, ancien hôpital général Saint-Antoine
Aussitôt le signalement du fugitif est communiqué : 1 m 64, teint basané, cheveux châtain foncé, forte corpulence. Il est vêtu d’un veston gris, d’un pantalon de toile bleue et coiffé d’une casquette. L’homme est particulièrement dangereux et les journaux insistent sur sa précédente condamnation par la cour d’appel de Paris à cinq ans d’emprisonnement pour vol, port d’armes, violence à gendarmes et autres peccadilles. Quel Quimpérois osera l’interpeller après ces renseignements peu engageants. Et puis, est-il encore à Quimper où il risque d’être reconnu plus facilement ?
Pinotti fait pourtant preuve d’un culot ou d’une inconscience incroyable. Alors que la gendarmerie et la police municipale sont sur les dents, fouillent plusieurs maisons sans résultat, notre homme se cache. Où ? je vous le donne en mille ! Il se terre dans les combles du palais de justice. Par quel mystère a-t-il des vivres et de l’argent, alors qu’il a quitté la prison sans un liard en poche ?
C’est dans ce même palais que, devant une salle bondée, les assistants étant sans doute plus attirés par la venue de trois avocats du barreau de Paris que par l’affaire, les quatre malfrats italiens ont été condamnés quelques mois auparavant à cinq années de réclusion. Pourtant, maître Le Breton et ses collègues n’ont pas ménagé les effets de manche pour tenter de faire passer les actes de leurs clients pour de petits méfaits, dignes d’être jugés devant le tribunal correctionnel. Ils n’ont réussi qu’à obtenir les circonstances atténuantes.
Ce n’est qu’au bout de trois jours, que Giovanni Pinotti, dit Gino Ferrari, ou Castro, ou même le Négus, se décide enfin à sortir de sa cachette. Pour aller où ?
Vous le saurez la semaine prochaine.
Pierrick
J'apprécie énormément vos récits - cela d'autant plus qu'ils me replacent dans la région de mes ancêtres puisque l'un d'eux était huissier audiencier à l'amirauté de Quimper - merci pour tous vos récits