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Coqs enroués à Pont-Croix

Un article du Progrès du Finistère publié en février 1908 ayant retenu toute mon attention, je l’ai réécrit à ma façon.


Malgré une pluie glaciale, plus de cinq mille croyants de Pont-Croix et des paroisses environnantes sont présents depuis sept heures et demi, ce mardi 11 février 1908, dans l’église et sur le placître. La nuit est tombée depuis longtemps, mais on y voit comme en plein jour, les rues, le clocher et les maisons étant magnifiquement illuminés. L’abbé Picard, curé-doyen, a voulu célébrer dignement Notre-Dame de Lourdes et ses miracles, n’en déplaise aux libres penseurs, écrit Le Progrès du Finistère. Après les petites vêpres, les fidèles se dirigent en chantant vers la fontaine de Notre-Dame-de-Roscudon, éclairée par des lanternes vénitiennes. La procession revient ensuite à l’église et plusieurs orateurs prennent la parole.


Il est déjà bien tard et demain matin, il va falloir se lever tôt. Même en hiver, le travail ne manque pas à la ferme. Mais depuis quelques jours, certains paysans ne quittent leur couche que vers sept ou huit heures, le chant du coq ne les ayant pas réveillés aux aurores comme à l’accoutumée. Que se passe-t-il ? À la place d’un cocorico éclatant et joyeux, le roi de la basse-cour n’émet qu’un son rauque et terne. Sortant de l’église, les fidèles ne parlent que de ce mystère bien intrigant. Aux oubliettes, l’arrivée prochaine du nouvel évêque, Mgr Duparc, l’assassinat du roi du Portugal et du prince héritier, les champs de choux ravagés par des voleurs !


Une seule question brûle toutes les lèvres : Pourquoi ce phénomène, alors que depuis la nuit des temps, le coq fait office de réveille-matin ? Même, les poules se gaussent en voyant le mâle déconfit. Le bipède a honte et, s’il pouvait s’exprimer, il expliquerait que les plumes de son cou ayant disparu, il a attrapé froid. Mettons-nous un instant à sa place : c’est l’hiver, la température est très basse et il y a des courants d’air dans le poulailler. Sans cravate autour du cou, l’animal attrape froid et c’est l’angine assurée.


Les explications les plus saugrenues circulent : Épidémie, disent les uns. Épizootie, corrigent les plus instruits, ceux qui ont eu leur certificat. Mais pas du tout, renchérissent les autres :  une nouvelle race de coqs est en train de naître. Les enfants, plus perspicaces, s’interrogent : puisque le chant du coq ressemble maintenant à celui de la poule, pondra-t-il aussi des œufs ?


 



En attendant, les coqs perdent de leur superbe et les poules fuient à leur approche. Puisque ces gallinacés ne servent plus à rien, leurs propriétaires se lèchent les babines en pensant au bon fumet d’un coq au vin.


Mais que les âmes sensibles se rassurent. À Pont-Croix, on ne va pas arriver à cette extrémité. Un jour, alors que chacun s’est fait une raison (sauf les principaux intéressés qui ont toujours aussi froid) un enfant avoue à ses parents un terrible secret. Le maître l’a puni aujourd’hui à cause d’une leçon ânonnée. Alors, pour se venger, il dit tout. Asseyez-vous, car vous allez être surpris.


Auparavant, une courte page de réclame pour le bouillon de volaille M….


Voici enfin la clé de l’énigme : pour faire plaisir à l’instituteur et récolter des bons points, les enfants ont accepté d’arracher les plumes rouges du cou de leurs coqs. Le maître, grand pêcheur à la ligne sur les bords du Goyen, s’en sert comme des mouches artificielles. Ces appâts sont, paraît-il, sans pareil pour tromper les truites et les anguilles de la rivière.


Le Progrès du Finistère s’offusque à juste titre : Éteindre des voix de coqs et décravater les rois des basse-cours pour agrémenter son menu, voilà certes de l’inédit.


Alors, que vont faire les propriétaires lésés ? Il semble difficile de traîner l’instituteur devant le juge de paix. Il faudrait aussi se faire accompagner à la barre par l’animal déplumé.

Pourquoi ne pas réclamer en compensation à l’instituteur des produits de sa pêche miraculeuse ? Il pourrait se défendre en rétorquant qu’il a donné une leçon de choses à ses élèves. On ne sait ce qu’en pensera l’inspecteur primaire.


Mais positivons : les beaux jours vont revenir, les plumes vont repousser et le coq va retrouver de sa superbe auprès de ses "femmes".  Seuls, certains paysans qui s’étaient habitués à rester plus longtemps au lit, le regretteront.


Un grand merci à Patrick Berthelot pour ses magnifiques coqs.


Pierrick


Tous les articles de ce blog se trouvent sur https://www.lesarchivesnousracontent.fr/

N'hésitez pas à me laisser un commentaire.

 

 

 

6 commentaires


Jean-marie Misslen
Jean-marie Misslen
28 sept.

Ce que nous apprend cette histoire, c'est que chacun interprètre les faits, en fonction de son propre savoir, de sa propre expérience, et que bien souvent cela nous renseigne sur l'imagination de chacun bien plus que sur la réalité des faits. 😄



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Magdeleine Fougeray Le Brun
Magdeleine Fougeray Le Brun
il y a 7 jours
En réponse à

Oui, mais il n'a pas de plumes rouges !

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colette.boulard
28 sept.

J'ai voulu laisser hier un commentaire, l'ai envoyé et ...couaccc, l'informatique m'a coupé le sifflet ! COUAAâââc !

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tavernier.eve
27 sept.

Très drôle !!

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nogrel.charlie
27 sept.

Excellent ! 😅😅😅

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