En 1887, la nouvelle église paroissiale se dresse fièrement au bourg de Plogastel-Saint-Germain. Elle a été achevée en 1880 pour remplacer un vieil édifice bas et sombre, et le chanoine Abgrall, son architecte, a vu grand, très grand. Le clocher ne sera terminé qu’en 1898, mais Louis Kerné, curé-doyen, souhaite dès maintenant acquérir une nouvelle cloche. Les relations de la cure ne sont pas au beau fixe avec Jean Jolivet, le maire républicain, mais un accord est finalement trouvé pour financer cette nouvelle acquisition. L’inscription suivante sera gravée sur la cloche : produit d’une souscription commune des habitants de Plogastel-Saint-Germain. Les noms du maire, du curé, du parrain et de la marraine suivront. N’est-ce pas un bel exemple de coopération entre cléricaux et laïcs ?
Archives diocésaines de Quimper et Léon
Alors, pensez-vous, quel est l’intérêt de cet article ? Patience, l’orage ne va pas tarder à gronder !
Lorsque le maire réceptionne en gare de Quimper la nouvelle cloche, il s’étrangle d’indignation en lisant l’inscription gravée sur la dite cloche : Don de la paroisse de Plogastel-Saint-Germain. Suivent les noms du curé, du vicaire et des membres du conseil de fabrique.
L’affaire occupe une bonne partie de l’ordre du jour du conseil municipal du 19 juin. Des élus rappellent les procédés peu parlementaires du curé, la mauvaise foi dont il a fait preuve dans les démarches nécessitées par l’achat de la fameuse cloche. Après cet abus de confiance de la part de M. Kerné, une délibération est prise pour buriner les inscriptions litigieuses gravées sur la nouvelle cloche, ainsi qu’instaurer la gratuité des sonneries.
Certains souscripteurs avaient en effet exprimé le désir bien légitime selon eux qu’en compensation du versement de leur quote-part, les sonneries de la nouvelle cloche soient gratuites. Mais monsieur le curé ne l’entend pas de cette oreille et a bien l’intention de percevoir une redevance. Le conseil, scandalisé, précise que la sonnerie sera gratuite et qu’il n’y aura pas de différence entre le riche et le pauvre, attendu que tous ont participé à l’achat, chacun suivant ses moyens. Il est également rappelé que le conseil de fabrique n’a rien versé. Un comble !
Mais ce n’est pas tout ! Le prêtre fait descendre les anciennes cloches avant de les livrer au fondeur. Monsieur le curé, vous semblez ignorer qu’elles sont propriété communale, vient lui signifier l’huissier de justice qui se présente au presbytère dès le lever du jour. Le terrible Kerné, n’ayant que faire du papier timbré remis par l’officier ministériel, répond que les cloches sont déjà parties à la gare et qu’il passe outre à l’injonction.
Je ne sais si la mairie a pu les récupérer à temps, "La Dépêche de Brest" titrant à la fin de son petit article : L’affaire en est là. Nous attendons la suite.
Collection Bernard Paugam
D’autres détails sur « cette ténébreuse affaire » se trouvent aux archives diocésaines dans un courrier du préfet du Finistère daté du 1er août 1887 et adressé à M. Serré, vicaire général. Le représentant de l’État y rappelle les faits qui ont produit une réelle effervescence dans la commune.
Le préfet, après avoir souligné que deux membres du conseil ont été chassés du presbytère, demande à l’évêché de rappeler à l’ecclésiastique de Plogastel, les égards qu’il doit à la municipalité en même temps qu’aux engagements pris.
Il conclut ainsi sa lettre : Je serais heureux de connaître le plus tôt possible les dispositions de M. le curé. Je ne doute pas du reste que votre haute intervention n’amène à bref délai dans la commune l’apaisement désiré.
Les archives n’ont malheureusement pas conservé le courrier de l’évêché adressé au curé. Mais visiblement, on ne lui a pas sonné les cloches ! Bien au contraire, si l’on se réfère au registre de délibérations daté du 28 août : comme l’évêché aurait accusé les élus de mensonges, ceux-ci maintiennent leurs décisions et autorisent le maire à prendre un ouvrier pour buriner les inscriptions litigieuses.
La lecture de la suite de cette délibération prouve que les cloches de Plogastel-Saint-Germain n’ont pas fini de créer des dissensions entre la mairie et le curé-doyen, comme vous pourrez le lire la semaine prochaine.
Patience !
Pierrick
https://www.youtube.com/watch?v=WkyH7bi3cuU
Patience, mais aussi impatience de connaitre la suite de cet épisode plogastellois.
Comme autrefois dans les hebdomadaires pour enfants "suite au prochain numéro"?
Personne n'a t-il fait, depuis lors, l'inventaire et la description des cloches actuellement en place ? la mairie le sait peut-être ?