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À Lesconil, un autre curé d’Ars


Vous connaissez sans doute Jean-Marie Vianney, dit le curé d’Ars (1786-1859), curé pendant 41 ans de cette petite paroisse de l’Ain. Pour son attitude, au service des paroissiens et des pèlerins, vivant dans la pauvreté, il fut canonisé. Nous avons eu aussi à Lesconil notre curé d’Ars. Mais qui se souvient encore de Jean-Baptiste Le Mel (1877-1935) ?


Le curé d'Ars, Jean-Marie Vianney

( détail d'une aquarelle de Jean-Marie Misslen. "L'évêque et les danses Kof ha Kof")


Depuis longtemps, Christophe Jézégou, recteur de Plobannalec-Lesconil, implore Mgr Duparc d’ériger Lesconil en paroisse. Jézégou n’a pas le temps de s’en occuper comme il faudrait et les protestants y sont en grand nombre depuis que le pasteur gallois William Jenkyn Jones y a construit un temple.


Le 26 août 1924, marins-pêcheurs, ouvriers et ouvrières d’usine voient arriver avec indifférence l’abbé Le Mel. Apprenant sa nomination, la karabassen (servante du curé) de Kerfeunteun, où il était auparavant vicaire, s’exclame : M. Le Mel est bien servi ; il aime souffrir, il souffrira. Une fillette, devenue religieuse, raconte que sa mère aurait dit : Nous allons prier pour le nouveau recteur. Si Monseigneur l’a nommé, c’est qu’il est un grand saint ou un malheureux ! 


Au soir du dimanche 31 août, jour de l’installation officielle du recteur Le Mel, M. Jézégou est soulagé. Cela fait si longtemps qu’il attend ce moment, mais il sait qu’il va devoir soutenir ce prêtre que l’on dit maladif et exalté.


Abbé Jean-Baptiste Le Mel, recteur de la paroisse de Lesconil


Jean-Baptiste Le Mel mène une vie d’ascète. Levé paresseusement à 4 heures du matin, alors qu’il rêve d’être debout dès 3 heures, l’ermite, comme il se nomme lui-même, écrit à l’évêque :

Toilette, oraison, Bible et lecture spirituelle, puis la Sainte messe. Je rentre à huit heures pour prendre la soupe trempée la veille à midi. En été, je ne la chauffe pas (Saint Jérôme conseille les aliments froids), puis chapelle, bréviaire, études, si je ne suis pas pris par les travaux manuels, jardin, église, patronage. Après avoir fait l'angélus à midi, on allume le feu, prépare trois soupes, cuit des pommes de terre, légumes verts, semoule, de manière à avoir deux plats après la soupe. C'est fini à deux heures. On met dans le four qui est bien chaud ce qu'il faut pour le souper que l’on mange à six heures, encore bien tiède. Je n'aurais jamais cru combien la solitude est douce et élevante.

 

Un tel régime, complété par des exercices de mortification, fragilise un corps déjà bien chancelant.

 

Au prix de nombreuses difficultés, il parvient à ouvrir en 1928 une école pour filles. Sensible aux difficultés rencontrées dans ce petit port breton, le quotidien "La Croix" attire la généreuse attention de ses lecteurs sur un pauvre recteur aux abois qui, vivant au milieu d’une population indigente et hostile, n’a pas hésité à construire une école libre, pour sauver l’âme de quelques enfants exposés aux plus sauvages exaspérations du bolchévisme.



École Notre-Dame-de-la-Mer

 

Les difficultés s’amoncellent et l’église est presque vide, Le Mel couche à même le sol de la sacristie. Des marins passent régulièrement devant le presbytère en chantant « L’Internationale ».

 

Étendu sur son lit de misère, le recteur les entend et leur pardonne. Il est si faible qu’il a dû monter récemment dans le corbillard pour accompagner un défunt au cimetière de Plobannalec. L’abbé sait qu’il va prochainement quitter ce monde, mais il est soulagé lorsqu’un mystérieux donateur lui adresse un chèque couvrant ses dernières dettes contractées pour l’école des garçons, ouverte en 1932.


Il pourrait mourir tranquille mais, la peur du démon le hantant, il demande à Démet Le Bot (frère Anaclet) de coucher dans une chambre à l’étage. L’on vient de partout voir le saint homme, que ces innombrables visites épuisent encore plus. Le 1er avril 1935, suprême honneur, Mgr Duparc vient saluer le grand défricheur de Lesconil et lui apporter le réconfort de ses encouragements.

 

Dès le 17 avril, l’évêque est de retour dans la paroisse pour les obsèques du plus zélé des apôtres et du meilleur des prêtres. Ce sont quatre-vingts ecclésiastiques, les filles du Saint-Esprit qui l’ont accompagné dans sa souffrance, et près de deux mille fidèles, qui rendent un dernier hommage à celui qui a poussé jusqu’à l’héroïsme l’amour de ses paroissiens.  

 

Les paroissiens souhaitent garder leur recteur à Lesconil et l’enterrer au chevet de l’église. Comme le maire, prétextant une contamination possible des puits voisins, refuse le permis d’inhumer à cet endroit, des hommes courageux creusent pendant trois jours une fosse dans la roche. Ils y enterrent leur vénéré recteur, le 27 avril à six heures du matin. Se doutent-ils alors que l’endroit va devenir un lieu de pèlerinage ?


Travaux pour creuser la tombe de Jean-François Le Mel

 

Dans le livre « Du Reuz en Bigoudénie », je parle bien plus longuement de l’abbé Le Mel. L’ouvrage est épuisé, mais vous pouvez peut-être le trouver sur Internet ou dans une médiathèque.

 

Pierrick

 

3 Comments


colette.boulard
Aug 10

Il y en eût, de semblables curés, donnant de leur personne jusqu'à leur dernier jour. Si je vous disais "mon" curé Boulard !

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pierre-j.lambert
Aug 09

Merci Pierrick pour cet article,

Lesconil commune protestante, est-ce une exception en bigoudénie ?

et avec un pasteur gallois, quel protestantisme : réforme, luthérien, anglican ou autre ?

Pierre


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assosaintalouarn
Aug 09
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